Ma démarche

LA MATIÈRE

D’acryliques grand format à des œuvres aux techniques mixtes, ma pratique s’est orientée vers les arts imprimés et les œuvres installatives incluant la photographie. La matérialité distincte des supports et médiums a souvent guidé ma trajectoire. Passant de la toile aux surfaces de bois, de métal, l’utilisation de goudron et de cire d’abeille…j’ai pu explorer diverses qualités visuelles (densité/ brillance/ matité/ profondeur/ transparence/ opacité). Les connotations de fragilité, d’impermanence versus de solidité, de permanence ont été exploitées, participant à révéler les thèmes de mon travail. 

Le travail sur la photographie et la marche sont deux pôles révélateurs qui drainent les substances essentielles de mon parcours.

LE PHOTOGRAPHIQUE

Ce qui me captive dans le travail sur la photographie est de me maintenir à la délimitation imprécise du réel et de la fiction. De l’authentique et de l’inventé. La remise en question de la véracité des instants captés prend différentes formes. S’il y a trace du réel dans les photographies que j’utilise il y aussi un travail de surimpression ou de désimpression : de fausses identités d’objets/ de sujets se construisent par manipulation de l’image en laboratoire, effacement de fragments de diverses manières.

LA DÉAMBULATION

C’est en marchant en milieu urbain ou naturel que j’observe. Dans un état à la fois méditatif et observateur je collecte sur mon parcours des objets insolites abandonnés autant que des matières organiques que j’intègre et mets en scène dans mes installations, symboliques de l’état que je cherche à traduire.

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THÈMES

LA FRAGILITÉ est au cœur de mon travail. Cette fragilité se perçoit particulièrement dans mon installation présente qui a pour sujet la perte de nos ainés au cours de la pandémie de Covid. Depuis toujours je cherche à rendre compte de la notion d’éphémère, de fuite, de dissolution, ce qui motive ma nécessité à garder des traces ou à en recréer. Des traces de personnes disparues (on pense à Boltanski dont le travail m’a particulièrement intéressé), d’objets, de lieux traversés, de mots imprimés ou graffités à même un objet, une surface picturale. Je cherche à rendre palpable la fragilité du fugitif.

L’ANONYMAT qui est subséquent à l’extrême fragilité, la perte d’identité, est un facteur d’intérêt pour moi. Sans doute tous ces corps transportés dans leur sac plastique noir dont les images ont envahi nos écrans cette dernière année alors que de grandes métropoles étaient décimées, sans doute cet anonymat s’est-il plus encore ancré dans ma recherche dernièrement. Ainsi les paires de chaussures moulées présentées au cœur de Ce qu’il reste… presque identiques, trop identiques malgré quelques indices de différenciation. Les lieux impersonnels capturent ici mon attention, synonyme d’évidement, de neutralité.

LA FRAGMENTATION a toujours été présente dans mon travail. Fragmentée moi-même par un deuil précoce dans mon adolescence, j’ai été sensible à la fracture, quelle qu’elle soit. Disloquer des espaces, lacérer des images, inciser, découper, déchirer, recoller, superposer : ces gestes ont pour effet d’entrainer le regardeur à opter pour une attitude plus active puisqu’il lui incombe de recomposer le puzzle qu’il fait sien, qu’il questionne.  

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QUELQUES « MENTORS » sans qu’ils ne le sachent : certains artistes ont laissé leurs traces et j’en remarque les influences aujourd’hui : Richard Long, révélant l’esprit du lieu par ses marches et travaux dans, autour, par et avec la nature. Giuseppe Penone et son travail sur le végétal, l’organique dont il a extrait l’essence-même pour le retravailler… Anselm Kieffer construisant en partie ses oeuvres avec des matériaux issus de ruines, de rebuts, alliant sable, plomb, éléments naturels… Finalement, pour en revenir à lui, le travail de mémoire et d’archivage de Boltanski demeure une œuvre qui a profondément marqué ma démarche. Et plus près de nous la démarche et le travail de Stéphanie Béliveau et celui de Karen Trask me touchent et me fascinent.